Q aufeminin.com (Elsa Raymond). Drogues/alcool/luxe/star Drogues/alcool/luxe/star : Peut-on tout mettre dans le même pack de « paradis artificiels pour les jeunes » ?
Cette génération que j’appelle « Bovary » parce qu’elle vit, comme on le voit dans le film, dans une grande illusion se caractérise par un point fondamental qui la différencie des précédentes : C’est une génération de la résilience : elle pense que « tout est foutu » mais elle pense qu’elle saura s’en sortir. Avec quelques copains ou copines et une bonne dose d’humour et d’autodérision (le fameux Lol ! qu’on trouve dans l’écriture-blog.)
En fait, elle vit à côté de la société. Elle en profite mais elle a construit « ses » règles. Comme elle vit à côté, elle a intégré comme « normal » ce qui est « décalé » et hors normes :
Q. Jeunesse dorée L’addiction de la jeunesse dorée à ces « paradis artificiels » n’est pas une nouveauté (C’est d’ailleurs ce qui transparait dans les films de Sofia Coppola, où l’on a toujours affaire à des personnages de « pauvres riches » à la recherche de sensations fortes, et cela peu importe l’époque, cf. « Marie Antoinette », « Virgin Suicides »… ). Mais comment expliquer que ce phénomène prenne de telles proportions depuis peu ?
C’est l’apanage de la jeunesse de se croire « inoxydable », de « brûler » la vie par les deux bouts mais cette génération revendique en plus 3 types de droits qui lui semblent quasiment sacrés : le droit à l’ailleurs, donc à une certaine marginalité, le droit à la minute de gloire et le droit à l’erreur. C’est ce que montre ce film : Ces jeunes de familles aisées vivent à côté du monde policé, ils rêvent de vivre comme des stars, de « devenir président » et ne comprennent pas pourquoi on va les punir puisqu’ils n’ont fait qu’une expérience de plus, « rien de mal ».
Q. Les médias. Sophia Coppola évoque « un nouveau star system ». Est-ce parce que les stars sont plus exposées, notamment par les médias, et encore plus depuis l’arrivée des réseaux sociaux, que les jeunes s’imaginent qu’ils peuvent vivre comme elles ?Doit-on vraiment blâmer ces nouveaux médias ?
La génération Facebook a appris dès l’origine deux choses de la pratique des réseaux sociaux : il faut se faire remarquer pour avoir « pleins d’amis » cet objectif « chiffrable » de la réussite et sur la blogosphère, il n’y a pas de hiérarchie. Chacun peut s’exprimer quel que soit son niveau de connaissance du sujet. Tout est démocratisé. Une star est une « copine comme une autre à qui on voudrait ressembler car elle a encore plus d’amis ». Et par conséquence, elle a encore plus de « minutes de gloire ».C’est un phénomène mimétique, on s’identifie à une star qui pourrait être « notre bonne copine » puisqu’on est déjà son amie sur Facebook.
Q. Une simple passade ? Les jeunes ont toujours eu cette réputation d’agir sans mesurer les conséquences. En sachant que la jeunesse n’est qu’une étape de la vie, doit-on être alarmiste en ce qui concerne l’avenir des jeunes d’aujourd’hui ?
Je ne suis pas du tout pessimiste sur cette génération « Bovary ». Elle vit en marge, peut, comme dans le film l’exprimer de façon caricaturale mais souvent, les jeunes se retrouvent (comme cela a toujours été le cas) pour monter des projets, de créer une start–up, repenser quelquefois un nouvel ordre économique à construire à côté celui qui existe (voir le mouvement des Indignés). Ces jeunes plus sérieux partagent avec les « plus déviants » cependant les 3 fondamentaux : être ailleurs (fuir un quotidien où ils ne trouvent pas de projets), avoir aussi leur minute de gloire en réussissant, et inventer, se tromper mais avoir essayé.
Ils vivent comme on agit sur le web : on cherche sur Google, on se trompe, on déclic, on recommence, on a souvent de bonnes surprises, de l’inattendu. Ils pensent que la vie est la copie du web ! C’est tout. C’est ce que montre ce film sur une jeunesse qui vit comme dans la blogosphère et près physiquement de la « tanière des stars »
Q.Les jeunes en général On remarque une véritable démocratisation, une propagation de ce phénomène à l’ensemble des jeunes. D’où provient ce besoin d’évasion généralisé, cette irrésistible envie de brûler la vie par les deux bouts sans mesurer les inévitables conséquences ?
Le monde qui se profile sera différent de celui d’aujourd’hui car cette génération aime trouver par elle-même et n’aime qu’on lui dicte ce qu’elle doit faire. Il y a de la liberté, presqu’un côté libertaire dans la pratique du web et des réseaux sociaux. Sur Facebook, on est quasiment un dieu : on présente de soi ce que l’on veut du plus sage au plus osé, on accepte (et on peut rayer) qui on veut comme ami, on porte des jugements, on « like » c’est-à-dire qu’on a, comme du temps des gladiateurs, droit de vie ou de mort sur un avis ou…un ami.
Mais cette génération va nous surprendre car avec son mode de pensée différent elle risque bien d ‘inventer, certes quelques avatars, mais pas mal de nouvelles pratiques sociales et économiques.
Q.Les solutions
Quelles seraient les solutions pour régler ce problème ?
La solution ? Les laisser construire ce modèle en rhizomes qui se profile où chaque petit groupe invente son mode de vie. On le voit avec la multiplication des « trocs » des échanges, des « amap » de proximité. La proximité est le nouvel étendard générationnel là où les générations précédentes étaient axées sur la « globalisation ». Ils communiquent avec le monde entier mais vivent en tout petits groupes.
Q. Selon vous, ce film semble-il être une nouvelle démonstration de la vacuité du monde moderne ?
Nous avons « fourni » à cette génération un monde assez déprimant, sans vision d’avenir sur le plan écologique, économique… Les idoles ne sont plus les philosophes mais les « gens connus et qui passent à la télé et qui ont beaucoup d’amis». Elle essaye de s’en sortir comme elle peut, en cherchant le coup d’adrénaline dont chacun a besoin « pour se sentir vivre » Les uns parce qu’ils sont à L.A. veulent s’approprier la « poussière d’étoile des stars d’Hollywood », d’autres devenir riches en créant une start-up, d’autres dans des expériences sexuelles…
La vacuité ? Sans doute mais pas que…
Publié par G. Lewi