Le Made in Germany


Local ou global ? La question n’est pas nouvelle, mais s’agit-il pour autant d’un antagonisme véritable ?

De nombreux arguments plaident en faveur de la mondialisation. Il est évident que pour une entreprise développer un produit pour 50 ou 300 millions d’individus n’a pas le même impact et que vendre au plus grand nombre offre des avantages économiques considérables: un marché énorme avec des coûts de recherche et développement, et de marketing diminués.

La marque est un « repère mental sur un marché », c’est-à-dire en terme de prix, de distribution, de qualité, mais aussi dans « la tête des gens » qui leur permet de se situer par rapport aux autres, voire de s’identifier. Jusqu’à une date récente, les marques, comme les humains naissaient toujours quelque part. Leurs produits répondaient à un besoin, une attente, un désir d’une partie précise de la population.

Les marques locales représentent, surtout dans un monde élargi comme le nôtre un certain « recentrage » sur des valeurs de proximité, de savoir-faire maîtrisé, d’authenticité reconnue. Le Made in France ou le Made in germany rassurent, chacun dans sa sphère spécifique.

Les marques globales jouent sur un autre registre : celui de la modernité et de l’avènement d’un monde nouveau où la logique identitaire n’est plus celle du village, de la région ou du pays mais d’une certaine classe économique, une classe de pensée, une classe d’age.

« Ipod » d’Apple est autant un attribut identitaire (même global) qu’un pull marin Saint James fabriqué en Bretagne! Mais pas pour les mêmes consommateurs !

Lorsque leur « patrie d’origine » était naturellement exportatrice et tournée vers « le business », les managers de l’entreprise ont alors eu une tendance naturelle à vouloir exporter les produits de la marque. Coca-Cola, Levi’s ou Marlboro sont arrivées avec les G’Is en Europe ou ailleurs dans le monde ; Vuitton ou Chanel avec les Européens élégants qui voyageaient.

Puis ce phénomène a été analysé par les spécialistes de l’économie et des marques. Ils en ont alors édicté une règle : un produit vendu sous une même marque dans un territoire plus large sera plus facilement amorti et plus rapidement rentable. Les jeans Diesel (d’origine italienne) ont ainsi été conçus avec un nom international dès l’origine et un objectif : atteindre aussi vite que possible les jeunes Américains argentés. Le sommet de la globalisation des marques et des produits touche la technologie où les produits sont conçus mondialement et pensés pour être lancés, souvent le même jour, sur tous les continents

En fait, il n’y a pas d’antagonisme entre local et global mais une volonté à vendre le même produit au plus grand nombre tout en tenant compte des résistances et par conséquent du risque de perte du business !

Mais depuis la décennie 90, avec le poids croissant pris par les marques globales, et l’explosion des nouvelles formes de distribution, les Français ont commencé à se méfier des promesses des marques. Progressivement, ils se sont montrés moins attachés « aux grandes » et se sont rapprochés des « marques alternatives » ou des « petites marques ». La vraie problématique du moment est en réalité la bataille fondamentale entre marketing et marque. Le marketing a pour vocation d’étendre les parts de marché et d’être là pour tout le monde, tandis que la marque, pour développer sa valeur ajoutée, doit suivre une logique beaucoup plus fine, même si elle essaie de vendre à un maximum de personnes. Elle le fait à travers une identification beaucoup plus restreinte.

Or, aujourd’hui, les marques ont un vrai souci. En étant trop larges, trop fortes, trop grandes, elles créent un risque de perte d’identité. La mondialisation des marques résulte moins d’une demande du consommateur que de la volonté de rationalisation des hommes de marketing. Et finalement, elle suscite, de façon dialectique chez le consommateur, la recherche de proximité, d’enracinement, de valeurs à taille humaine. Et c’est d’autant plus vrai que les individus aujourd’hui ont autant besoin de croire en leurs marques que les Grecs dans leurs mythes.

La décennie qui s’annonce, est sans doute celle des marques plus proches, plus relationnelles par la qualité de leur produit, leur qualité émotionnelle, et l’attachement qu’elles sauront susciter, et qui sauront s‘inscrire dans le temps.

Nos « grandes marques actuelles « sont nées au début du XXe siècle ou après la deuxième guerre mondiale ; elles ont 50 ou 100 ans.

Car le temps est le meilleur allié des marques à condition qu’elles arrivent à passer quelques stades un peu difficiles dans la gestion de leur cycle de vie (généralement de 20 à 40 ans). Ensuite, à partir de la cinquantaine et au-delà, les marques font partie de « notre » histoire, c’est-à-dire de l’Histoire de l’Humanité. Pourrait-on vivre sans Renault, Fiat, Dior, Michelin, Kellogs ou Lipton, même si elles ont eu à souffrir à certains moments de leur histoire ? Ces marques ne sont plus locales car leur taille leur a fait franchir les frontières. En traversant le temps, elles traversent aussi l’espace. Elles deviennent globales. Elles deviennent symbole de sens pour le consommateur, de sens qu’il donne à la société dans laquelle il vit.

Il faut ainsi que la marque soit porteuse d’une parole universelle qui fasse sens pour tous les hommes et cela ne peut se fonder que sur des grandes valeurs, la liberté, la générosité. Une marque devient mythique parce qu’à un moment, elle a apporté quelque chose d’important, dont l’origine est perdue, mais qui continue d’agir. Elle lutte contre un fléau incarné ou non. Tous les mythes ont eu à lutter, ils avaient une fonction sociale qui était d’aider les hommes. Prométhée a ainsi volé le feu aux dieux pour le donner aux hommes. Certaines marques mythiques ont tendance à échoir lorsqu’elles n’ont plus de bataille à mener. Une marque passive risque de perdre sa logique mythique car le public a tendance à s’identifier aux marques qui lui permettent de se dépasser et d’accéder à son rêve d’immortalité. Qu’elles soient locales ou globales !

 

Publié par G. Lewi

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