Décryptage du mythologue : Pleyel, mythique ou pas, halte à la bêtise !
Pleyel va refermer les portes de son dernier atelier où « œuvrent » encore quatorze personnes. Petit cours de marketing et de branding pour ces dirigeants de marques mythiques, qu’ils fabriquent des pianos ou autre chose
Pleyel qui ne produit plus que vingt pianos par an contre mille sept cents, en l’an 2000, va fermer. Son concurrent français Klein, lui n’a plus qu’une douzaine de salariés. Cette affaire des pianos français est incroyable et montre une absence de discernement.
Un mythe n’est pas une marque
C’est bien de raconter une histoire qui fait plaisir à entendre et flatte l’identité nationale sur son savoir-faire artistique, son excellence créatrice, sa culture, sa beauté architecturale… Depuis le XIXe siècle, art et culture sont synonymes de l’expression d’une société avancée, civilisée. C’est pourquoi, après avoir acheté des biens de consommation, les nouveaux riches achètent des œuvres d’art… toujours à prix d’or. Tant mieux pour les marchands d’art et les artistes contemporains qui en profitent ! Car un mythe, dans notre société en mouvement perpétuel doit être monétisé pour avoir les moyens de se survivre. Il en va ainsi de la forêt de Brocéliande, lieu de pèlerinage hautement touristique ou de Paris ou du Mont Saint Michel…
Une marque mythique ne suffit pas
Les mythes deviennent ainsi, progressivement, des marques mythiques qui expriment au travers d’une histoire, généralement ancienne, (Pleyel a été fondée en 1807) un savoir-faire, une histoire, des innovations, des batailles techniques et commerciales, des avancées sur un marché qui fut toujours concurrentiel. Aucune marque mythique ne vit sur un long fleuve tranquille. Toutes celles qui ont survécu ont su s’adapter à une réalité économique, à des exigences marketing nationales puis internationales. Elles ont manqué de mourir vingt fois ! La qualité, certes, la passivité, non ! Chanel, Vuitton, Dior et d’autres ont bien failli disparaître et s’en sont sorties. Comment ?
Le marketing, est un frère ennemi mais il fait tout de même partie de la famille
La survie et le développement d’une marque mythique passe par des produits de grande qualité vendus cher et par un service hors norme. Mais pas que ! Sinon guette le syndrome Pleyel et derrière lui, celui des métiers d’art. Le marketing, souvent ennemi de la marque lorsqu’il est outrancier et que le « stretching » (l’extension de la marque), est abusif, est absolument obligatoire dans un monde où le consommateur s’est habitué à segmenter ses propres besoins. Au pianiste émérite, un instrument aux 5000 pièces, à celui moins exigeant, un instrument aux 3000 pièces, au débutant qui rêve cependant de devenir un virtuose, un instrument de qualité de la même marque mais fabriqué ici plus vite, ou ailleurs… La marque est l’art de l’identité unique, le marketing celui de la segmentation des offres. Ce sont des frères et sœurs qui se chamaillent et sont, malgré tout inséparables. Nicolas Hayek a sauvé l’horlogerie suisse sur ce constat simple : marque et marketing doivent faire bon ménage.
Des labels à la pelle !
Les pouvoirs publics qui souvent ne comprennent pas grand-chose, malgré les efforts répétés de nos dirigeants, à ce doux mélange de marques et de marketing développent pour ces pauvres entreprises à l’agonie des « labels ». Pleyel aurait obtenu en 2008, le label « Entreprise du Patrimoine Vivant ». Le patrimoine est sans doute vivant mais l’entreprise est morte ! Nos ministères confortent les dirigeants de ces PME à l’agonie dans l’illusion d’un monde figé. C’est inutile, dommageable et dans un certain sens criminel. En économie, la bêtise tue ! Pour être plus intelligents, ces dirigeants ont besoin de sortir de chez eux et de prendre loin, en Asie ou ailleurs des cours de marketing, de rencontrer d’autres réalités que celle de labels « ad hoc ».
Publié par G. Lewi
Toujours aussi pertinent et impertinent. Salutations amicales