Cigarettes sans logo…
Le rêve de tout opposant est de nier l’identité de son ennemi. Cette stratégie de négation est tentante lorsqu’on est en position dominante. C’est quelquefois ce que fait la grande distribution lorsqu’elle « copie » de trop près les « marques nationales » avec ses marques distributeurs. Pour lutter contre le tabagisme, on reparle désormais de paquets de cigarettes « neutres » sans logo. La bataille de lobbying va faire rage en coulisse.
Les marques dépensent des fortunes pour créer et développer leur identité sensorielle, à commencer par les signes visuels, première approche (et première perception) en Occident d’une marque. A la seule vue d’une pomme croquée, d’une virgule en l’air, de trois bandes, le consommateur reconnaît « sa » marque et son cerveau s’anime. Avec le logo Marlboro, ce toit rouge protecteur, nul besoin du nom ! Avec de tels scores de reconnaissance, voire d’identification, un business sans logo est-il possible ?
Vouloir nier l’identité de l’autre, c’est la renforcer à coup sûr
Les consommateurs savent nous surprendre car ils sont « joueurs » et aiment par-dessus tout les « jeux de piste ». Ils chercheront à retrouver une minuscule tache sur un paquet, un signe voilé et visible des seuls connaisseurs, à fabriquer des identités « privées ». Les marques joueront à offrir des « cache-paquets » customisés. La bataille des logos est celle de l’identité. C’est un besoin génétique chez l’être humain. En Grèce antique, les potiers signaient déjà leurs amphores…
La bataille pour la santé est louable mais vouloir nier l’identité de l’autre, c’est la renforcer à coup sûr. C’est en tout cas méconnaître cette règle : plus les signes sont « subliminaux », plus ils sont efficaces. Le jeu est sans doute la vertu la plus partagée du genre humain avec la transgression qui représente le premier des jeux.
Georges Lewi, Mythologue, Spécialiste des marques.