Chronique sur INFLUENCIA. La marque et la bêtise!

Décryptage du mythologue : Pleyel, mythique ou pas, halte à la bêtise !

PUBLIÉ LE 20 NOVEMBRE 2013
Décryptage du mythologue : Pleyel, mythique ou pas, halte à la bêtise !

 

Pleyel va refermer les portes de son dernier atelier où « œuvrent » encore quatorze personnes. Petit cours de marketing et de branding pour ces dirigeants de marques mythiques, qu’ils fabriquent des pianos ou autre chose
Pleyel qui ne produit plus que vingt pianos par an contre mille sept cents, en l’an 2000, va fermer. Son concurrent français Klein, lui n’a plus qu’une douzaine de salariés. Cette affaire des pianos français est incroyable et montre une absence de discernement.

 Un mythe n’est pas une marque

C’est bien de raconter une histoire qui fait plaisir à entendre et flatte l’identité nationale sur son savoir-faire artistique, son excellence créatrice, sa culture, sa beauté architecturale… Depuis le XIXe siècle, art et culture sont synonymes de l’expression d’une société avancée, civilisée. C’est pourquoi, après avoir acheté des biens de consommation, les nouveaux riches achètent des œuvres d’art… toujours à prix d’or. Tant mieux pour les marchands d’art et les artistes contemporains qui en profitent ! Car un mythe, dans notre société en mouvement perpétuel doit être monétisé pour avoir les moyens de se survivre. Il en va ainsi de la forêt de Brocéliande, lieu de pèlerinage hautement touristique ou de Paris ou du Mont Saint Michel…

Une marque mythique ne suffit pas

Les mythes deviennent ainsi, progressivement, des marques mythiques qui expriment au travers d’une histoire, généralement ancienne, (Pleyel a été fondée en 1807) un savoir-faire, une histoire, des innovations, des batailles techniques et commerciales, des avancées sur un marché qui fut toujours concurrentiel. Aucune marque mythique ne vit sur un long fleuve tranquille. Toutes celles qui ont survécu ont su s’adapter à une réalité économique, à des exigences marketing nationales puis internationales. Elles ont manqué de mourir vingt fois ! La qualité, certes, la passivité, non ! ChanelVuittonDior et d’autres ont bien failli disparaître et s’en sont sorties. Comment ?

Le marketing, est un frère ennemi mais il fait tout de même partie de la famille

La survie et le développement d’une marque mythique passe par des produits de grande qualité vendus cher et par un service hors norme. Mais pas que ! Sinon guette le syndrome Pleyel et derrière lui, celui des métiers d’art. Le marketing, souvent ennemi de la marque lorsqu’il est outrancier et que le « stretching » (l’extension de la marque), est abusif, est absolument obligatoire dans un monde où le consommateur s’est habitué à segmenter ses propres besoins. Au pianiste émérite, un instrument aux 5000 pièces, à celui moins exigeant, un instrument aux 3000 pièces, au débutant qui rêve cependant de devenir un virtuose, un instrument de qualité de la même marque mais fabriqué ici plus vite, ou ailleurs… La marque est l’art de l’identité unique, le marketing celui de la segmentation des offres. Ce sont des frères et sœurs qui se chamaillent et sont, malgré tout inséparables. Nicolas Hayek a sauvé l’horlogerie suisse sur ce constat simple : marque et marketing doivent faire bon ménage.

Des labels à la pelle !

Les pouvoirs publics qui souvent ne comprennent pas grand-chose, malgré les efforts répétés de nos dirigeants, à ce doux mélange de marques et de marketing développent pour ces pauvres entreprises à l’agonie des « labels ». Pleyel aurait obtenu en 2008, le label « Entreprise du Patrimoine Vivant ». Le patrimoine est sans doute vivant mais l’entreprise est morte ! Nos ministères confortent les dirigeants de ces PME à l’agonie dans l’illusion d’un monde figé. C’est inutile, dommageable et dans un certain sens criminel. En économie, la bêtise tue ! Pour être plus intelligents, ces dirigeants ont besoin de sortir de chez eux et de prendre loin, en Asie ou ailleurs des cours de marketing, de rencontrer d’autres réalités que celle de labels « ad hoc ».

 

Lettre ouverte à Emilie Perl de Qeelin

Bonjour Emilie Perl

Je ne vous connais pas mais vous êtes bien agressive à mon égard dans votre commentaire.
Je me réjouissais dans mon “papier” qu’une de mes étudiantes, (dont j’avais été le maître de thèse professionnelle et dont j’ai perdu la trace)  stagiaire alors chez Qeelin et avec nous avions “travaillé” sur le futur branding de la marque ait apporté son savoir pour que cette entreprise de joaillerie chinoise (à l’époque, on ne songeait même pas à parler de marque pour une entreprise chinoise). Je me réjouissais que cette entreprise soit devenue une marque de luxe un peu reconnue et soit admis dans le cercle restreint des poulains du groupe de luxe PPR.

Je ne vois pas en quoi ce “storytelling” plutôt sympathique porte ombrage à la marque, et à la boutique que vous dirigez. En général, les créateurs aiment à dire “qu’ils sont nés” dans des garages avant de devenir des mega-brands.

Un professeur peut se montrer satisfait de voir que les sujets sur lesquels ont travaillé “ses” étudiants aboutissent sans être nécessairement MEGALO, comme vous dites.Cela ne lui apporte ni gloire ni argent, croyez moi.

Et vous que cherchez vous en lançant cette “polémique”?

L’amitié ou le dernier des mythes vivants?

Avec les algorithmes, le mythe de l’amitié en prend un coup

PUBLIÉ sur INFLUENCIA LE 06 NOVEMBRE 2013
Avec les algorithmes, le mythe de l’amitié en prend un coup

 

L’amitié n’existe pas ; voilà pourquoi Facebook réussit ! Luc Dellisse, romancier, essayiste, qui enseigne l’art du scenario à Paris et Bruxelles vient de publier un livre étonnant « Le tombeau d’une amitié : André Gide et Pierre Louÿs » .

L’auteur de ces relations étranges entre André Gide, encore étudié de nos jours et Pierre Louÿs, génie littéraire précoce et quasi inconnu, nous dresse en bon scénariste le récit de leur amitié. Le brillant Pierre et le terne André qui profite de la lumière du premier, l’imite et finit par le dépasser. Là, bien-sûr, toute amitié disparaît : « Quel contraste : tandis que l’un monte ainsi vers l’azur, l’autre s’enfonce inexorablement ». On ne peut s’empêcher de penser aux amitiés célèbres, à soi-même, à ses amicales relations, aux algorithmes des réseaux sociaux… L’amitié en prend un sale coup !

 Toutes les amitiés se ressembleraient et seraient fruits de la séparation.

A propos de « ses » deux auteurs, Luc Dellisse fait une comparaison : « Gide et Louÿs rejouent sans le savoir l’histoire contrastée et la relation difficile entre Diderot et Rousseau ».

Que dire alors de Montaigne et de son ami La Boétie dont Montaigne écrira, après sa mort : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui ; parce que c’était moi. » Cette amitié mythique deviendra littéraire parce que La Boétie, le plus doué des deux mourra très jeune et laissera la place à Montaigne pour s’exprimer.

 

L’amitié ne serait qu’un mythe, une histoire extraordinaire à laquelle les gens croient dur comme fer mais qui n’est qu’une illusion de plus : les amitiés célèbres ne perdurent que parce que l’un meurt…

Et aujourd’hui ?

Relisons Montaigne : « Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité… ».

L’amitié absolue serait rarissime et n’existerait peut-être pas hors de circonstances exceptionnelles. Ce qu’on nomme amitié ne serait que le fruit de l’occasion ou de l’intérêt. C’est ce qu’exprime le pessimiste La Rochefoucauld dans l’une de ses maximes : «Ce que les hommes ont nommé amitié n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts et qu’un échange de bons offices; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. »

Nous voilà bien déçus et l’amitié rangée au rang de mythe, une vertu que les gens croient bien réelle et qui ne l’est sans doute pas. Tout au plus une représentation artistique du genre humain et de sa capacité à se croire meilleur qu’il n’est.

Nos « amis » de Facebook

La génération des réseaux sociaux, celle qu’on nomme quelquefois « les Nouveaux Bovary » a fait de la rencontre et de l’amitié qui s’en suit un fondement de sa mythologie. Et qui dit amitié dit transparence. Entre amis, on se dit tout : « Les vraies amies ne se cachent rien. Si le blond de l’une est une calamité ou que le nouvel amoureux de l’autre est une erreur ambulante, elles ne prennent pas de gants pour lâcher le morceau. ». Facebook nous propose des amis à la pelle. Nous l’acceptons d’autant plus volontiers que l’amitié n’existerait pas.

Tout serait pipé, en effet depuis Homère. Et on doit bien l’accepter à l’époque des grandes oreilles, où nos futurs « amis » nous sont proposés par algorithmes : « Nous sommes constamment engagés dans une sorte de danse avec l’algorithme dont nous ne connaissons ni les règles, ni quand elles sont modifiées ». Les algorithmes ne peuvent fabriquer que des communautés, or l’amitié est unique !

 D’ailleurs, on est rarement « ami sur Facebook » avec ses vrai (e)s ami (e)s. Ne trouvez-vous pas cela curieux ?