Leonarda. La naissance de premier mythe de l’ère Hollande.Ma chronique Influencia

Leonarda : tous les ingrédients pour construire un nouveau mythe

PUBLIÉ LE 23 OCTOBRE 2013 sur trendmag@influencia.net
Leonarda : tous les ingrédients pour construire un nouveau mythe

 

Inconnue il y a un mois, Leonarda, est devenue plus qu’un symbole, un mythe, celui d’une gosse victime d’un monde de « grands » : petite esquisse de construction d’un nouveau mythe.

La question Rom est « sur la table » depuis longtemps, avec des directives européennes généreuses mais visiblement difficiles à appliquer, de l’argent qui disparaît dans les caisses des états d’origine. Et puis tout à coup, un prénom inusuel, une proximité, le féminin de Leonardo, (Dicaprio ou Da Vinci) ; en tous cas, un prénom plutôt génial ! Et puis un visage encore ingrat entre la petite fille et la jeune fille. Et au Kosovo, une robe rose, bien sage, désuète à souhait, presque ringarde comme l’est cette question qui devrait être résolue depuis des lustres.

 

 

La transgression comme carburant

 

Première transgression : la police à l’école ! Ou pire, à la descente d’un bus scolaire où la classe réunie allait s’ouvrir à l’entreprise, au monde censé être accueillant pour cette jeunesse qui se cherche tant. Comme un air de rafle, même si cela a été fait avec précaution. Des copines qui questionnent « qu’est-ce que tu as fait ? ». Le sentiment de la gamine d’être en fraude car elle connait la situation de sa famille. Ses plaidoiries à la télévision montrent bien qu’elle a appris, malgré elle, à bien manier le « storytelling » des grands.

 

Deuxième transgression : le président de la République, ne sachant comment se sortir de cette affaire qui est née comme une mauvaise goutte paralysante le lendemain d’un diner trop arrosé, propose de séparer la gosse de sa famille. Toute seule en France, dans un foyer, gavroche au féminin, obligée de se débrouiller dans ce monde déjà surmédiatisé autour d’elle ! Impensable, sauf dans l’esprit de quelque haut fonctionnaire habitué à « faire des synthèses ».

Une histoire sans issue

Le mythe est là pour permettre de discerner une solution dans une situation impossible. Œdipe illustre la position impossible des fils, Antigone exprime la force de la morale privée face à la raison d’état, Prométhée la difficile situation de l’homme démuni face aux cieux, Sisyphe l’acceptation de la condition humaine, fût-elle désespérante. Leonarda est désormais identifiée à la situation impossible d’une enfant dans un monde d’adultes, trop grand et trop bête pour elle. Une Cosette des temps moderne, en quelque sorte. Qui sera son Jean Valjean ou son Victor Hugo ? Vus le nombre de commentateurs, les candidats ne manquent pas.

La jeunesse fait bloc

La logique communautaire de la jeunesse se met en place ; Leonarda n’est plus seule. Elle n’est plus la conséquence malheureuse malgré elle d’une politique mais le moteur d’une mobilisation. D’objet balloté, elle devient sujet et joue à fond son rôle en attisant les médias qui campent au Kosovo. Un dialogue se crée entre cette jeune Rom et toute une jeunesse. Comme jadis, le « Che » n’était pas seulement le symbole identitaire d’une Amérique centrale en recherche de sa voie politique mais d’une jeunesse mondiale en quête d’un idéal dans un monde endormi.

Et pour clôturer le tout, un parfum de scandale

Le père serait menteur et violent. Il achète de faux papiers comme vous et moi achetons une botte de navets. Et pour moins cher ! Il battrait sa femme et ses gosses. Un vrai Thénardier ! Il ne manquait plus que cela pour rendre la situation encore plus inextricable ! Ce mythe commence comme un thriller. Espérons qu’il nous épargnera les cadavres, trop souvent inhérents aux mythes les plus robustes ! Car le tragique du mythe pour s’installer définitivement ne se contente pas, la plupart du temps, de simples allers-retours entre l’Europe Centrale et l’Europe occidentale !

 

 

 

Apple, mythe et marque. un article de Marina Torre de Latribune.fr

Apple: la mythe est mort, la marque fait de la résistance

Apple peut encore surfer quelques années sur sa notoriété... Mais il lui faudra innover encore pour retrouver son statut d'icône. | REUTERS

Apple peut encore surfer quelques années sur sa notoriété… Mais il lui faudra innover encore pour retrouver son statut d’icône. 

La marque à la Pomme dévoile ses “nouveautés“ ce mardi, notamment l’Ipad mini 2. Comme lors des derniers lancements, aucune annonce véritablement révolutionnaire n’est attendue. Le signe que l’époque où Apple menait la danse des révolutions technologiques est terminée?

Steve Jobs descendant du mont Cupertino pour y présenter ses tablettes aux adeptes de la Pomme, c’est fini. Pourtant,Apple parvient encore à vendre des millions d’iPad, d’iPhone, d’iMacs, d’iPods etc à travers le monde. Les annonces du groupe américain – comme celle de ce mardi – sont toujours attendues, même si elles sont le plus souvent éventées avant d’avoir eu lieu. Et même si, de plus en plus souvent, les messes organisées par l’entreprise se traduisent par la déception d’une partie des fans et des analystes.

Or, si le moment de la “keynote” a sans doute perdu un peu de son impact, cela signifie-t-il pour autant que la marque elle-même ne sait plus susciter la même ferveur qu’auparavant ? Le ‘”mythe” Apple a-t-il vécu ?

Pour Alexandre Buselli associé Conseil responsables des télécoms, des médias et des technologies chez Deloitte, c’est indéniable :

“Il n’y a de plus de mythe Apple même si elle reste une marque premium”.

Une opinion partagée, avec quelques nuances par Georges Lewi, mythologue et spécialiste des marques. Un phénomène qu’il explique par la disparition de plusieurs fondements de ce fameux “mythe“.

L’érosion des ventes

Au premier rang : l’innovation. Celle-ci, LA grande promesse d’Apple, ce qui a fait sa spécificité, se fait aujourd’hui attendre. “Il y a une certaine lassitude, mais surtout chez les médias et les analystes“, confirme de son côté Adrien Bourreau, consultant spécialisé dans les nouvelles technologies au sein du cabinet Kurt Salmon.

Même observation pour Alexandre Buselli chez Deloitte :

“On assiste à une érosion des ventes aujourd’hui. Et celle-ci va s’accentuer si l’entreprise n’est pas capable de sortir une innovation prochainement”.

Ce dernier rappelle que le groupe a déjà connu un passage à vide par le passé :

“Au début des années 1990, les ordinateurs d’Apple étaient des produits phare et même si “la qualité de ses produits était supérieure aux PC, ces derniers les ont rattrapés grâce à des prix plus bas. Apple n’a pas été capable de se renouveler et a presque disparu. Je crains que la même chose ne se produise avec les iPhone et iPads aujourd’hui. Sinon, l’entreprise court le risque de rejoindre les rangs de BlackBerry et Nokia, encore très forts il y a quelques années. Nous avions tous un Nokia dans la poche il y a encore 7 ou 8 ans. “

De mauvaises habitudes ont été prises

Problème : les consommateurs, eux, attendraient toujours l’effet “wouaouh” auquel ils sont désormais coutumiers. “Nous avons pris de mauvaises habitudes“, reconnaît Adrien Bourreau :

“C’est vrai que les derniers lancements sont plutôt de simple ‘refresh’ de produits plutôt que de véritables innovations, mais il faut dire que les attentes sont extrêmement élevées.”

La promesse de la révolution permanente

Une telle révolution permanente, même chez Apple, est-ce vraiment possible ? “Je n’y crois pas. Des bonnes idées, on peut en avoir dix mais on ne pourra pas en avoir tous les ans, à intervalle régulier“, répond Alexandre Buselli. Ce dernier ajoute :

“Il faut savoir gérer les temps forts et les temps faibles et emprunter soit une stratégie de court terme qui consiste à conserver des marges élevées en proposant de ‘fausses’ nouveautés, et accepter de perdre des parts de marchés le temps de réinvestir dans l’innovation. Soit il faut miser sur le long terme et baisser les prix”.

Apple cherche son Lagerfeld

Parallèlement, la disparition d’un autre fondement du mythe, son héros, expliquerait également la remise en cause du “rêve” suscité par Apple. George Lewi, pour qui l’ancien patron d’Apple  s’apparente à un Yves Saint-Laurent ou une Coco Chanel, et son entreprise à une maison de  couture, fait observer :

“Les nouveaux managers n’ont plus sa puissance prophétique. Ils sont obligés de se plier aux exigences du marketing, comme on l’a vu avec l’iPad mini”

Il faudra donc lui trouver son Lagerfeld, comme le confirme l’expert en marques :

“Passer d’une griffe à une marque, c’est très difficile. Cela peut prendre de 3 à 10 ans. Et ce n’est pas en interne que l’on peut lui trouver un successeur. Il faut quelqu’un qui soit à la fois scientifique et qui voit loin, un créateur, un génie, un philosophe”

En attendant, les concurrents ne perdent pas de temps. Non seulement, les derniers-nés de la marque : iPhone 5C et 5S, ne sont pas tout à fait révélés à la hauteur mais les produits Samsung par exemple sont de plus en plus plébiscités. “L’effet mythe ne fonctionne plus, car il y a trop de bons produits chez la concurrence“, confirme, Alexandre Buselli. De ce point de vue, “Apple n’est plus avance, mais pas encore en retard“. Aussi l’iTV et l’iWatch, objets de très nombreuses rumeurs, sont-elles particulièrement attendues.

Un système à double tranchant

Dès lors, seule la puissance de la marque, toujours forte, peut lui porter secours, pour un temps limité. Son système fermé, qui “fabrique une communauté” et donc un sentiment d’appartenance, existe encore aux yeux de George Lewi. Ce qui explique que le groupe puisse encore vendre des millions d’iPhone dans le monde, et notamment en France où le public “est plus attaché à Apple que dans d’autres pays européens“, précise Adrien Bourreau, sans pouvoir l’expliquer. Cependant, ce système fermé, avec des batteries inamovibles ou des accessoires comme les chargeurs incompatibles avec les autres marques est à double tranchant, car il peut aussi lasser.

Les concurrents, eux n’ont pas ce problème. “C’est un élément de différenciation important,  surtout auprès de la cible professionnelle“, note le consultant de Kurt Salmon. Pour l’instant, Apple se reposerait donc sur ses acquis : un design toujours soigné, une qualité  élevée pour vendre des produits 20 à 30% plus chers. “Comme dans l’automobile, l’effet marque peut durer encore quelques années sans innovations majeure“, jusqu’à ce que cette  source se tarisse, sous l’effet conjugué de la concurrence et de la lassitude estime Alexandre Buselli.

Apple rameute la foule

De là à changer complètement de fusil d’épaule et viser désormais un autre public, en baissant ses prix? L’embauche de personnalités du luxe comme l’ancienne patronne de Burberry  signalerait plutôt que le groupe s’en tiendrait à sa visée “premium“. Toutefois, et Georges Lewi y voit un symbole fort : Apple “choisit désormais de montrer des foules dans ses publicités“, et non plus des individus seuls. Preuve que le “think different“, “le sommet de l’individualisme“, dernier grand fondement du mythe Apple, serait lui aussi tombé.

Le retour de Jacques le fataliste…Impuissance des dieux. Chronique Influencia

Le décryptage du mythologue : Hollande, Obama, Merkel… le retour de Jacques le fataliste

Publié le 09 octobre 2013
Le décryptage du mythologue : Hollande, Obama, Merkel… le retour de Jacques le fataliste

 

Ce qui peut frapper un observateur anonyme, vous et moi, de la politique, de l’économie et de nos petites manies, c’est un certain fatalisme.

On connait le « roman » de Diderot, étrange texte sur un voyage, plutôt une « conversation » où Jacques, valet bavard et philosophe raconte à son maître ses aventures et sa vision de la vie. En regardant nos dirigeants, on peut retrouver ce sentiment de « fatalisme ». Obama, impuissant face au congrès, Hollande face à ses ministres, Merkel face à la crise européenne et même Berlusconi pleurant face à son destin… En marketing, on commence aussi à observer cette même tendance au fatalisme.

 

Voici le début du texte de Diderot « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. »

 

 

Le mythe de l’impuissance, ou le « diesel » du pouvoir

 

Toute activité humaine est fondée sur un « moteur à quatre temps » : la naissance, le développement, la durée, la mort. Toute vie est énergie pour éviter ou retarder la mort. Sur le plan physique, moral, économique, managérial… Quand un moteur tourne plus lentement, il « dure » plus longtemps. C’est le principe du moteur diesel qui a la réputation d’une meilleure longévité. On a le sentiment que nos élites, une fois le pouvoir conquis se mettent en mode Diesel, en impuissance programmée. Certes, ils continuent de bien raisonner et leurs discours sur le plan théorique et moral sont impeccables. Mais on peut aussi avoir l’impression qu’ils « ne font plus rien » ou du moins, se mettent en mode ralenti. Est-ce le « bon truc » pour être réélu ? Peut-être. En tous cas, cela n’a pas si mal « marché » pour Obama et Merkel. Notre président se ménage-t-il pour nous aménager un second mandat ? Sans doute, l’exercice du pouvoir est-il difficile en démocratie. Un certain fatalisme de l’inaction semble y primer. « Est-ce que l’on sait où l’on va », nous disait le valet bavard et philosophe.

 

 

La fracture générationnelle

 

Ce grand écart entre fulgurance de la pensée (nos dirigeants politiques sont de « belles mécaniques intellectuelles » pour la plupart) et la lenteur de l’action, l’étroitesse des réformes peut nous choquer, et en particulier, les nouvelles générations qui sont des générations de l’action*, de la « praxis ». Nous avons notre avenir au bout des doigts et ceux-ci restent rarement longtemps engourdis. Nous avons le sentiment de piloter notre avenir alors même que le débat sociétal semble se noyer dans la palabre et l’inaction. Or les gens, vous et moi, nous avons voté pour que nos leaders nous conduisent quelque part. Mais décider de la voie et de s’y tenir est bien difficile. Le professeur Bruno Latour développe une belle métaphore « Tout randonneur le sait bien : c’est une chose de parcourir avec courage un sentier de grande randonnée, mais c’en est une autre de décider, en face de poteaux indicateurs dont on comprend mal les indications, dans quel sentier on doit s’engager** » . Les twitts de nos élites politiques allaient dans le bons sens, ils engageaient un nouveau comportement, mais désormais censurés, ils se font bien rares.

 

A-t-on pris le parti du fatalisme et la partie pour le tout ? Diderot, désespéré raillait le fatalisme ambiant en 1783, six ans avant la révolution française.

 

* Voir G. Lewi. « Les Nouveaux Bovary : génération Facebook, l’illusion de vivre autrement » (Pearson 2012) et le roman « bovary21 » (Bourin-Editeur 2013)

** B. Latour. En quête sur les modes d’existence. La découverte. 2012

 

La foire de Marseille voit loin et développe nos futurs mythes.Le papier complet de Destimed.

Foire internationale de Marseille : le monde dans 20 ans, « un retour à la mythologie, à la primitivité et aux pulsions démultipliées »

mardi 1er octobre 2013

De quoi demain sera fait ? Vers quels métiers aller ? Quel est l’apport du digital qui bouleverse tout ? Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre, ce lundi 30 septembre au Parc Chanot, trois experts de stature internationale lors de rencontres économiques sur le thème « Nos 20 prochaines années » qui se sont tenues dans le cadre de la 89e édition de la Foire internationale de Marseille.

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Les rencontres économiques ont réuni ce lundi au Palais des Arts du Parc Chanot des experts de stature internationale et des acteurs locaux de premier plan pour plancher sur ce que sera le monde dans 20 ans (Photo Gérald GERONIMI/DR)
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Georges Lewi, spécialiste des marques, a endossé le rôle de Monsieur Loyal. (Photos S.P.)
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Thomas Jamet, président de l’agence de publicité numérique Moxie, appelle à “relire les œuvres de science-fiction car c’est là que se trouve la réalité de demain”.
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Alors que “les idéologies ont explosé depuis 1989″, le journaliste Emmanuel Lemieux considère qu’”aucune idée ne parvient à nous rendre plus lucides”.
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Le prospectiviste international Christian Gatard juge que “dans un monde qui va de plus en plus vite”, il y a à la fois “une terreur” et “une ivresse de cette vitesse”.

« Nous avons demandé à nos intervenants de faire un peu mieux que le gouvernement qui fait travailler ses ministres jusqu’à 2025. Nous, nous visons les années 2030-2035 » : c’est par ce clin d’œil ironique que Georges Lewi, spécialiste des marques, a présenté les Rencontres économiques qui se sont déroulées sur le thème « Nos 20 prochaines années » ce lundi 30 septembre de 16h à 19h dans la salle Euthymènes du Palais des Arts du Parc Chanot à Marseille. L’initiative rythmée par des interventions d’experts de stature internationale et une table ronde à laquelle se sont joints des acteurs locaux de premier plan avait de quoi surprendre dans le cadre d’une foire grand public comme l’est celle de Marseille. Elle a pourtant tout son sens comme le souligne Georges Lewi. « La foire est un moment économique extrêmement important dans une ville. Tout d’abord, le chiffre d’affaires qui sera réalisé au cours de la foire durant 11 jours est équivalent à celui de 10 gros supermarchés pendant un an. Une foire doit aussi s’approprier sa propre ville et la ville doit s’approprier sa foire qui est un bon thermomètre d’une cité », observe-t-il. Alors tout naturellement ce débat de prospective économique a trouvé place dans la programmation d’une 89e édition placée cette année sous le signe de la créativité. « Nous nous sommes dits que la créativité n’est pas que dans les arts ou le culinaire mais aussi en économie. Il y a une vraie créativité économique qui fait qu’un pays, une région se développe autour de sa créativité », insiste le spécialiste des marques.
Le décor planté, restait désormais à l’animer. Une mission qui revenait en tout premier lieu à Thomas Jamet, président de l’agence de publicité numérique Moxie, appartenant au groupe Publicis, qui dispose d’antennes à Paris et New York. Et à l’heure de se demander de quoi demain sera fait ou en quoi le digital bouscule nos vies, le publiciste n’hésite pas à évoquer un de ses livres intitulés « Ren@issance mythologique » (*). « Est-ce que l’on est transformé par le digital ou la technologie ? Il y a cette génération Y, ces enfants qui sont immergés dans cette technologie et qui s’amusent avec une tablette ou un mobile. Quoi de plus normal après tout puisque l’interface est facile. Mais est-ce que ça va modifier de manière profonde l’évolution de notre société ? », s’interroge-t-il. Avant de ne laisser à personne le soin de répondre « oui » car « la technique a toujours façonné la culture et l’évolution de la société ». Or, c’est la clé de l’analyse de Thomas Jamet : tout ce que « le digital », que l’on peut aussi appeler « le numérique », bouleverse dans nos existences, avec, « à l’ère d’Internet », les mobiles ou les jeux vidéo interactifs, « tout cela se rapproche d’univers qu’on connaît déjà ». Et le publiciste d’en conclure qu’au final il n’y a « rien de nouveau sous le soleil ».

« Nous sommes toujours dans les mêmes blasphèmes »

Pour étayer sa démonstration, Thomas Jamet revient à l’époque de la mythologie, ce temps où de brillants philosophes comme Socrate et Platon estimaient que « l’écriture diabolique » allait « tuer l’oralité ». « Nous sommes toujours dans les mêmes blasphèmes, observe-t-il, comme quand on disait que l’imprimerie allait tuer le livre ou que la télé allait tuer la radio. Or, rien n’a vraiment tué l’autre mais chacun a créé, à chaque fois, une nouvelle société. »
Ainsi, loin de verser dans le catastrophisme, le publiciste rappelle combien ces évolutions ont pu être par le passé source d’émancipation. Il se souvient ainsi qu’avant l’imprimerie, la Bible était le seul livre imprimé. Et de noter que la sortie de ce carcan a abouti au siècle des Lumières. Il revient aussi sur le rôle de la télévision qui, « au début de la mondialisation, de la globalisation, à la fin des années 1960 », a créé « des repères mondiaux ». Ce fut ainsi le cas à travers les émissions consacrées à la mort de John Fitzgerald Kennedy en 1963 ou, près d’un quart de siècle plus tard, à celle de Lady Diana en 1997. Mais Thomas Jamet n’omet pas non plus de citer le walkman, cet appareil oublié qui a connu son heure de gloire au milieu des années 1980, qui, à ses yeux, « a individualisé les médias » et ainsi « préparé l’ère d’Internet ». Et d’insister sur « l’impact formidable » de la toile qui permet « la connexion des gens entre eux ».
Mais si l’ère numérique ne ferait au final que redessiner les mythes de notre société, elle le fait cependant à une vitesse hallucinante. « Il a fallu 38 ans aux radios pour atteindre le seuil de 50 millions d’auditeurs, 15 ans à la télévision, 4 ans à Internet et 2 ans à Facebook, souligne-t-il. On est dans une accélération du temps avec des contenus, que l’on peut arrêter, zapper, qui façonnent notre rapport au temps. » Autrefois limitées à un nombre restreint (affichage, publicité…), il existe ainsi aujourd’hui une multitude de sources de médias. Et surtout, tout est désormais « en temps réel ». « On est absolument sûr que tout ce qui se passe se fait en temps réel. Les journalistes vont désormais sur les réseaux sociaux Twitter pour avoir l’info, ils ne scrutent plus la dépêche AFP », résume-t-il.
La mort de Mickaël Jackson à l’été 2009 et les démêlées de Dominique Strauss-Kahn avec la justice américaine au printemps 2011 ont été à ses yeux la parfaite illustration de cette nouvelle donne. « Avant il y a quelques heures entre la nouvelle et la diffusion de la nouvelle. Là, au moment où Mickaël Jackson est mort, le moteur de recherche Google a sauté, pensant à une attaque face au nombre de requêtes concernant le chanteur. Les téléphones portables se sont mis à crépiter. C’est quelque chose qui multiplie les émotions. Quant aux chaines d’information continue et au réseau Twitter, ils ont fait vivre l’affaire DSK quasiment en temps réel : les médias façonnent un monde plus irrationnel », estime-t-il. Le publiciste y voit « la revanche de Zarathoustra », ce personnage que Friedrich Nietzsche met en scène dans « Ainsi parlait Zarathoustra », un poème philosophique publié entre 1883 et 1885. « La logique a tué le mythe et aujourd’hui c’est le côté plus irrationnel qui revient. Ce besoin de ressentir des émotions en temps réel nous plonge dans l’ère du mythe », analyse Thomas Jamet.

« Les artistes prennent de plus en plus la place de la politique et de la religion dans un monde de plus en plus difficile à comprendre »

Il considère également que « les réseaux sociaux nous permettent de retrouver une part de notre humanité ». « Plus on est connecté au réseau, plus on est capable d’échanger et d’avoir une opinion respectable. On n’est absolument pas dans quelque chose qui déconnecte : les gens sur Facebook se rencontrent », insiste-t-il. Ce qui aboutit selon lui à « la création d’un grand tout beaucoup plus marqué qu’auparavant où les humains se rencontrent davantage ».Un monde où les artistes, à l’instar de Lady Gaga, vont pour leur promotion « s’inventer des personnages pour être complétement dans l’irrationnel ». « Les artistes prennent de plus en plus la place de la politique et de la religion dans un monde de plus en plus difficile à comprendre. La post modernité, avec un modèle social, un modèle de famille est en train de se déliter », tranche Thomas Jamet.
Mais son retour de la discussion doit aussi être apprivoisé, comme le souligne en citant les exemples de la marque Gap, un groupe de magasins basé à San Francisco, qui a dû en 2010 renoncer à changer son logo « suite à la fronde de millions de personnes », et de la marque Barilla qui « a dû présenter des excuses publiques en moins de 48h pour avoir dit qu’il n’y aurait jamais d’homosexuels dans ses pubs ». « Il faut gérer cette pensée de la place publique, ce qui va forcément modifier notre société », insiste-t-il.
Dans ce contexte, le publiciste n’hésite pas à prendre « trois paris » pour les 20 ans à venir. Il estime tout d’abord que « de nouveaux phares vont apparaître, mystification, grands spirituels numériques » car « la technologie est indispensable à nos vies et c’est autour de ça que vont se construire nos sociétés ». Il juge également que « la science-fiction est la nouvelle réalité » dans un futur davantage « source d’interrogations » que de progrès. « On a des choses possibles aujourd’hui que les auteurs de science-fiction ont imaginé il y a quelques temps. Comme toujours dans l’histoire, les évolutions de la technologie viennent de la science-fiction. Donc il faut relire les œuvres de science-fiction car c’est là que se trouve la réalité de demain », analyse-t-il.
Thomas Jamet pronostique enfin « un certain retour à la primitivité » avec « des pulsions démultipliées ». « Avant, pour avoir une information, il fallait attendre. Aujourd’hui, tout est accessible à tout moment. C’est un retour à un moment de pulsion, une perte de l’impatience, car dans n’importe quel temps, n’importe quel endroit, sur n’importe quel support, on peut accéder à une information ». Il anticipe aussi « le retour à la religiosité » car « le digital nous permet de nous réapproprier ces pensées magiques, mystiques », et « le temps des tribus » car « la société est de plus en plus fragmentée par centre d’intérêt ou par style de vie, ce qui peut créer des choses positifs ou négatifs ».

« L’univers est de plus en plus complexe mais notre vision du monde reste quelque part inchangée »

C’est alors Emmanuel Lemieux, journaliste, éditeur et conseil stratégique de Pôle Emploi de s’interroger sur : « Quels métiers pour demain ? ». A ses yeux, « l’univers est de plus en plus complexe mais notre vision du monde reste quelque part inchangée : c’est peut-être le plus grand défi de l’humanité ». « Les idéologies ont explosé depuis la chute du mur de Berlin en 1989, les idées se sont multipliées, mais aucune ne parvient à nous rendre plus lucides. L’encyclopédie serait impossible à écrire en 2013 : on est dans nos îles d’ignorance et on n’appréhende que les questions que l’on n’arrive pas à résoudre », image-t-il. Et de souligner que dans ces conditions, les experts sont « incapables de théoriser les métiers du futur ». « On a la vision du néo Jules Vernisme qui table sur une accélération technologique, voire un emballement, et une deuxième vision, plus réaliste à mes yeux, qui mise sur la coopération internationale, l’ère du wiki, avec l’idée de multiplier les nouvelles collaborations. Cependant en Europe, à part Arte et EADS, on ne voit pas très bien quelles sont les collaborations sur lesquelles s’appuyer », observe-t-il.
Alors pour ce qui est des emplois dans 20 ans, Emmanuel Lemieux estime que « l’industrie Internet va en produire beaucoup, en détruire aussi, et peut-être des savoirs anciens, ce qui crée une ambiguïté ». Mais surtout, il mise « de plus en plus sur une déconnection de l’emploi et du travail : on travaille pour gagner sa vie mais le travail qui vous enrichit est de plus en plus en dehors de la société ». Le journaliste pronostique aussi qu’« il y aura toujours des gens dont la tâche sera de nous faciliter les choses ». « C’est le développement des emplois de service qui, en France, est encore minoré, alors qu’en Norvège ils sont rattachés à de vrais statuts. C’est un progrès de la société de faciliter la vie de millions de personnes », analyse-t-il. Et de juger ainsi, à l’instar du sociologue Edgar Morin, que l’on va « retrouver les chemins de la complexité » avec l’émergence « d’une société plus complexe, moins industrialiste et un peu plus créatrice ».
C’est enfin à Christian Gatard, prospectiviste international, que revenait la lourde tâche de répondre à la question « De quoi demain sera fait ? » en guise de conclusion du débat. « On est encore assez mal barré », lâche-t-il d’emblée pour planter « le décor de demain ». « La menace nucléaire est en train de revenir, le terrorisme, il est là, Hollywood s’en est emparé », évoque-t-il. Mais dans ce monde qui « va très vite aujourd’hui » où « les évolutions sont permanentes », il juge qu’il y a « une ivresse de cette vitesse et une terreur ». « Beaucoup sont anxieux mais beaucoup pensent qu’il peut se passer quelque chose », note-t-il.

« L’ère de la transparence » et de « la provocation »

Alors aux yeux du prospectiviste, on va vers « l’ère de la transparence ». « C’est le grand sujet aujourd’hui et cela vient d’abord de nous : on veut tout savoir tout de suite. Edwy Plenel et Julian Assange sifflent la fin de la récréation : cette transparence se veut justicière. Et on est plutôt d’accord sauf quand elle devient policière comme à Londres avec ses 250 000 caméras qui nous entourent en permanence dans une sorte d’introduction dans l’intimité de chacun », observe le prospectiviste. Il avance ainsi qu’« à un moment donné, à trop vouloir lire le monde, on se heurtera à des émeutes, qui ont les mêmes racines que les émotions ». « Il va y avoir un moment de balancier, on voudra reboire et remanger comme avant, on aura besoin de repalper, de retoucher les choses. Mais à partir du moment où on lâchera la bride, jusqu’où ira-t-on ? », s’interroge-t-il. Et d’estimer qu’on aboutira ainsi à un retour de « la provocation ».
Christian Gatard pense également que la société va retrouver « le sens du secret, du chuchotement » qui sera « une grande valeur ». Il évoque aussi « l’ère de l’hybridation », cette « vieille histoire du ramassage du monde, de la proximité des cultures », l’Amérique du Sud devant en constituer la « prochaine étape ». Selon lui, le banquet d’autrefois retrouvera ses vertus, la fête des voisins nous interpellant avec « l’idée que ça fait du bien d’être ensemble ». « On assistera à la création de nouveaux rituels jusqu’à ce qu’un nouveau choc se prépare où la technologie et la spiritualité vont se rencontrer », pronostique-t-il. Il en veut pour preuve que « le mystique, la science-fiction et les sciences occultes sont partout ». Mais si on parle des sectes aujourd’hui, dans ce retour à la spiritualité, « les chamans de demain auront des i-phones ».
Dans cette Histoire qui continue, le prospectiviste insiste aussi sur « l’importance de la tanière » car « on aspire à un village global ». Quant à « l’allégeance des cerfs faite aux seigneurs », ces derniers prennent selon lui désormais les traits « du réchauffement climatique et des puissances financières ». « A l’intérieur de ce cadre-là, l’artiste va reprendre la main : il réapprend à ressentir le monde en réinvestissant les mythologies traditionnelles », estime-t-il. Un retour à la mythologie qui renvoie au « mythe universel du fripon divin qui repense le monde différemment ». Un contexte dans lequel « la barbarie est en embuscade » et où « on est peut-être du bon côté de la barrière par rapport au Sud de la Méditerranée ».
Or, pour Christian Gatard, « le pari, c’est de trouver à partir de ces fractures les sutures de demain ». Et d’évoquer trois types de sutures, à commencer par les « sutures océaniques ». « Face à ces marques immenses, ces grandes idéologies, ces grands rassemblements, ces océans, on a besoin de se retrouver dans un monde plat où on se tient par la main », résume-t-il. Il évoque également des « sutures historiques, verticales ». « On a besoin de se retrouver dans quelque chose de l’ordre de la permanence », explique-t-il. Enfin, il évoque les « sutures ludiques : il faut accepter l’idée d’une combustion permanente ».
Et le prospectiviste de conclure en répondant à une ultime interrogation : « Est-ce qu’on va vers une réconciliation ? On a le sentiment d’une prise de conscience globale qui peut avoir un impact sur le politique, qui fait que l’économie peut aller mieux, qui aboutira peut-être à un monde tiré d’affaire. Ce n’est pas certain mais c’est possible de rentrer dans ce monde un peu angélique et c’est la feuille de route que je me donne personnellement. »
Serge PAYRAU

A Marseille, Gatard, Jamet en phase sur la vision du futur. Les 4 points d’ancrage d’une “mythologie du futur”

Dans le cadre de sa volonté de faire émerger de “nouvelles créativités” la foire internationale de Marseille a organisé une réflexion sur “nos 20 prochaines années” avec les meilleurs “prospectivistes”. Avenir de l’homme et demain de Marseille.  Il ressort 4 mythes comme 4 points d’ancrage pour appréhender ce futur incertain :

  • Le désir de transparence psychologique, sociologique et esthétique. Même si cette “valeur” est  utopie de vouloir l’atteindre…
  • L’ hybridation débridée. L’unique a vécu au profit du maillage, du mélange des genres et de la symbiose la plus farfelue…du moins en apparence.
  • L’allégeance rebelle. un oxymore de plus! Apparemment dociles, les humains du futur sont en fait des révoltés.
  • La culture comme unique repère qui fait à la fois bouger les élites, mobiliser l’économique et animer les foules.

Ces 4 pistes que nous avions déjà rencontrés dans “les nouveaux Bovary” continue d’accompagner un monde contemporain qui cherche un avenir difficile à décrypter dans un univers de plus en plus vaste.