Eloge de la vitesse ou de la lenteur ?
Le président de la République à Dijon condamne la lenteur comme un des fléaux de notre pays. D’autres, comme Carl Honoré font l’éloge de la lenteur. Des villes s’intitulent « villes lentes ». On parle de « slow time et de slow food ». Que dit le mythologue, à quel pas avancer ? A quels mythes se référer pour comprendre la vitesse et la lenteur à l’heure d’Internet ?
Le blocage de la France due à la lenteur selon le président.
A Dijon, le président de la république dénonce le rôle néfaste de la lenteur : « Nous devons lever 3 blocages, qui existent dans notre pays. Le premier, c’est la lenteur, à laquelle trop de monde s’habitue partout. Nous devrons aller beaucoup plus vite, dans la mise en œuvre de toutes les décisions. Cela vaut pour tous les secteurs : l’administration, les banques, les décideurs publics…! La bataille contre la lenteur c’est une bataille pour la croissance. »
Le « slow management » serait pourtant source de productivité. L ’apologie de la lenteur fait des best sellers de librairie.
Sur France Info, une chronique d’Anne-Laure Barral en octobre 2011 semble démentir François Hollande : « Exemple avec Patagonia et son charismatique fondateur….Le franco-américain Yvon Chouinard…estime qu’il faut laisser ses salariés aller surfer. Il faut leur faire confiance, s’ils adhèrent à la philosophie de l’entreprise, cela suffit. Le slow management consiste à éliminer les facteurs de stress de ses salariés et améliorer leur cadre de travail : espace de sieste, relaxation, covoiturage, flexibilité dans les horaires, cuisine collective, ruchers dans le jardin »
Entre ceux qui parlent de « prison de la vitesse » et du besoin de retrouver leur « tortue intérieure » et les adeptes de « l’éloge de la vitesse, revanche de la génération texto », que penser ? Entendra-t-on un jour un de ces propos au ton prophétique : « Soyez sans crainte. Le dossier avance vite. Votre interlocuteur fait sa sieste » ?
Le mythe de la lenteur aussi ancien que le monde.
Dans la mythologie latine, la lenteur a sa divinité, c’est Saturne. Il s’agit du dieu de l’âge d’or, celui des semailles (et des espérances de récolte abondante), de la lente culture en terre. Son mois de célébration est celui de décembre, mois où dans la nature « il ne se passe rien », où tout hiverne. Face à la nature, tout le monde est au même niveau.
Les Saturnales, les fêtes de Saturne, en décembre, étaient un carnaval, une occasion de réjouissances. Tous masqués, tous égaux, ce jour-là ! Carnaval, temps relax et égalité étaient alors des alliés contre le « charriot-boulot-dodo ».
La rapidité, symbole d’efficacité ?
Le mode de gouvernance, de management…vertical, pyramidal a été inventé au nom de l’efficacité et de la rapidité de décision et d’action. Un « chef » décide, un « subalterne exécute ». Le tour est joué. Puis, la démocratie a installé des logiques de contrôle. L’ampleur et la complexité des questions posées ont généré des sous-ensembles. Le système vertical censé être direct, à action immédiate passe souvent par trois, cinq, dix filtres…Tous utiles, et tous cause de retard justifié.
Slow time dans le monde du net ?
Or dorénavant, on n’accepte pas de perdre une seconde « de trop » devant son écran. 2G, 3G, 4G… La bataille contre le temps n’a de cesse. Au nom de l’efficacité. Mais internet crée également un dialogue à l’horizontal, une relation d’égal à égal. Voilà sans doute la première magie du web. Dans la blogosphère, il n’y a plus de hiérarchie ; chacun va à son rythme et cependant l’ensemble est bigrement rapide et efficace.
Soyons donc optimistes et rassurons notre président, le slow time du net annonce le nouveau temps de l’efficacité. Il arrive plus vite qu’on ne le croit. Et presque naturellement !
Le web va très vite mais au rythme de chacun. La dialectique de la vitesse et de la lenteur peut être dorénavant dépassée. Enfin!